mardi 29 novembre 2011

Par un beau jour de mai - Récit


« C’est un beau jour de mai.

Mais pour aller me promener, je ferais tout de même mieux de prendre mon blouson. La maladie m’a rendu un peu frileux. Ou plutôt, j’ai du mal à ressentir à nouveau la chaleur depuis que j’ai quitté l’hôpital.

Je déambule, au gré de mon envie dans les rues de la ville. Le soleil radieux illumine les murs de pierre blanche des immeubles du trottoir opposé qui en deviennent presque jaunes, ainsi envahis de rayons dorés. Rien à voir avec les murs intérieurs de l’hôpital, qui ne brillent jamais et restent immaculés, renvoyant inlassablement toutes les couleurs sans jamais en absorber aucune.

J’approche d’une école primaire du centre ville. Je peux l’entendre sans la voir, les cris des enfants m’y guident. Je l’aperçois finalement : derrière une grille, aussi rapides que de petites fusées, ils rient et jouent, certains à chat ou d’autres choses comme ça, les plus grands s’échangent des cartes. Ils ressemblent à n’importe quels enfants, en somme. Hormis ceux de l’hôpital qui ne sourient pas et ne sont même pas vivants, trop sérieux et graves pour s’encanailler de la sorte.

À cette heure plutôt matinale, je ne croise que quelques chanceux inoccupés, qui profitent comme moi du beau temps pour flâner tranquillement. Sur les bords de Loire, des couples, des chiens et leurs maîtres, des retraités, des joggeurs , des familles me croisent. Si eux ne font pas attention à moi, de mon côté je les observe à bonne distance. Leurs visages pour la plupart apaisés, détendus même, me surprennent. J’avais oublié à quoi ressemblait le bonheur. Tout le monde oublie dans l’aile d’oncologie.

Je quitte le calme des quais, à peine perturbé par le bruit du lent écoulement de l’eau, et retourne au cœur de la ville. Il y règne une agitation sonore invisible, qui provient de l’intérieur des cafés et des appartements aux fenêtres ouvertes. Ici non plus, personne ne semble faire attention à moi. Ça me change des regards inquiets et des sanglots refoulés que j’ai du faire semblant de ne pas voir ces mois dernier. Presque tous, se croyant certainement invulnérables, semblent s’être cloitrés, ne laissant s’échapper jusqu’à mes oreilles que la rumeur  impalpable de leur vie. Cela me semble irréel tant j’avais moi-même pris pour habitude d’écouter le monde de derrière ma fenêtre, chambre 315, lieu empli d’un silence de mort.

Planté debout en plein centre d’une place au sol pavé, je laisse l’air agréablement frais, si léger, me traverser de part en part. De plus en plus. Pourquoi ces rayons de soleil ne me réchauffent-ils pas ? Je n’ai pas ma veste. J’ai dû l’oublier ou l’égarer quelque part. Je ne me souviens même pas être parti avec de l’hôpital. Ce n’est pas grave, j’avais de toute façon tellement l’impression d’étouffer, ces derniers jours.

Heureusement qu’ils m’ont laissé partir ce matin. Ils avaient l’air si tristes, pourtant. J’aurai aimé qu’ils comprennent que je suis mieux ici, avec l’air qui me traverse et le bruit des gens autour de moi, surtout par un si beau jour de mai. »


Texte sous licence Creative Commons (By SA).

 
J'ai écrit ce court récit il y a 2 ans, et je suis tombée dessus tout à fait par hasard hier soir. Comme c'est assez rare que je supporte de me relire, que ce texte-ci ne me donne pas tout à fait envie de le déchirer et de le jeter au feu, je me suis dit qu'il ferait un article sympa en attendant de pouvoir recommencer à publier normalement.

Vos avis sont les bienvenus. :)

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